Il avait des origines modestes
On ne manquera pas de rappeler à Lully, pendant toute sa vie, ses origines. Il cumulait en effet deux tares aux yeux de l'aristocratie française : il était Italien et fils de meunier. Né à Florence en 1632, on ne sait très exactement comment il parvient à entrer dans les bagages du Duc de Guise, qui l’emmène en France pour que sa nièce, la Grande Mademoiselle, apprenne l’italien. On ne sait pas tellement plus comment il atterrit ensuite dans les cuisines, pour en remonter danseur et violoniste. Ce que l’on sait, c’est qu’il monte vite.
Ce qui est également certain, c’est que le compositeur oeuvre pour faire oublier ses origines. En 1661, Giambattista Lulli se fait naturaliser et devient Jean-Baptiste Lully. Côté origines sociales, c’est plus compliqué : il essaye bien une fois ou deux de servir du “Fils de Laurent de Lully, gentilhomme florentin”, mais peu de personnes tombent dans le panneau. Faute de naissance, Lully sera noble par ses fonctions, finissant - non sans mal - Secrétaire du Roi.
Bouffon et violoniste
En 1653, Lully, ou plutôt Lulli, entre à la cour et apparaît comme danseur dans le Ballet de la nuit, sur la partition duquel il griffonne quelques notes par-çi par-là. Il fait surtout la connaissance d’un jeune homme, bon danseur lui aussi, et promis à un avenir radieux : Louis “Dieudonné” de Bourbon, aka Louis XIV, roi de France et de Navarre.
Danseur, le jeune homme amuse le roi en bouffon comme en berger, et fait entendre ses talents au violon. Il accompagne aussi ses premières amours, et le fait danser dans le Ballet de l’Amour malade (1657) puis dans le Ballet d’Alcidiane (1658) en compagnie de Marie Mancini, dont le monarque était épris…
Il a inventé (avec Molière) la comédie-ballet…
En 1664, Lully est déjà bien installé lorsqu’il commence sa collaboration avec Molière. Neuf comédies-ballets naissent de cette féconde union, dont Le Mariage forcé, L’Amour médecin, et bien sûr Le Bourgeois gentilhomme. Non seulement ces œuvres lient deux grands génies du XVIIe siècle, mais elles permettent également au compositeur d’insérer des airs chantés et dansés dans une trame narrative. Par ailleurs, Lully peut y déployer tous les styles vocaux, et y teste des récitatifs chantés, prémices de ses tragédies lyriques.
et l’opéra français !
La France du XVIIe siècle compte bon nombre de genres musicaux différents : ballet de cour, tragédie, pastorale, comédie, et quelques opéras italiens promus par le cardinal Mazarin. Mais Lully va plus loin, il propose une synthèse de ces styles dans un genre unique : la tragédie lyrique. Le premier de ces opéras français naît en 1673, c’est Cadmus et Hermione. Prolixe, le Florentin en compose un par an jusqu’à sa mort en 1687.
Puisant le meilleur dans chaque genre, Lully donne ses lettres de noblesse au récitatif, qui dépasse la simple déclamation chantée et trouble sa frontière avec l’aria, pour former un ensemble fluide. Le compositeur place également les scènes de ballets tant prisées, et utilise les rouages des grands spectacles aux machineries merveilleuses.
Il est mort assez bêtement
Non pas qu’il y ait des manières intelligentes de mourir, bien sûr, mais se transpercer le pied avec la canne qui lui sert à diriger la musique, et laisser le tout se gangrener, on ne peut pas dire que cela soit bien malin.
En pleine répétition du Te Deum qu’il préparait pour Louis XIV, Lully s’emporte contre ses musiciens (quand on vous dit que le monsieur est colérique...) et frappe son orteil un peu trop fort. Sa jambe s’infecte, mais il refuse qu’on la lui coupe. Le jugement est sans appel, la gangrène l’emporte le 22 mars 1687.
Il a marqué profondément la musique
Les œuvres de Jean-Baptiste Lully seront jouées sans discontinuer jusqu’en 1789, date à partir de laquelle certains révolutionnaires tatillons trouvent le compositeur un poil trop monarchiste. Pendant plus d’un siècle après sa mort, l’ombre de Lully plane sur la musique française, et rayonne dans toute l’Europe. Son Amadis de Gaule inspira Haendel, tandis que Gluck reprit son Armide.
Lully impose également sa marque grâce à son ouverture “à la française”, que l’on retrouvera à la fois chez les Français Campra et Rameau que chez Purcell (ouverture de Didon et Enée), Haendel, ou encore Jean-Sébastien Bach (Ouverture à la manière française). Son Air des trembleurs d’Isis, dans lequel l’orchestre mime les tremblements provoqués par le froid, sera repris aussi bien par Vivaldi dans les l’Hiver des Quatre Saisons que par Purcell dans l’Air du Génie du Froid de King Arthur...